Musique : Victor Démé, la longue marche d’un résilient vers la lumière

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Il y a dix ans, le 21 septembre 2015, le Burkina Faso perdait l’une de ses voix les plus singulières. Victor Démé s’éteignait à Bobo-Dioulasso, emporté par une crise de paludisme, au moment même où son troisième album, Yakafé, s’apprêtait à voir le jour. La nouvelle avait frappé le pays, alors plongé dans une crise politique consécutive au putsch manqué de septembre 2015.

‎Mais au-delà de la coïncidence tragique, la trajectoire de Victor Démé raconte une histoire de résilience et de persévérance. Né en 1962 dans une famille de tailleurs et de griots de l’ethnie Marka, il grandit entre l’atelier paternel et les chants de sa mère et de sa grand-mère, toutes deux griottes. Très tôt, il choisit la musique comme héritage et destin.

‎Dans les années 1980, il débute à Abidjan, au sein de l’orchestre Super Mandé d’Abdoulaye Diabaté, avant de retrouver sa ville natale. À Bobo-Dioulasso, il s’impose dans les concours culturels, mais reste confiné dans un succès local. Pendant deux décennies, il chante dans les clubs, souvent dans l’ombre, sans parvenir à franchir les barrières d’une industrie musicale marquée par le manque de moyens et de structures.

‎C’est cette longue traversée du désert qui rend son succès encore plus éclatant. En 2008, grâce à une rencontre décisive avec des producteurs français Camille Louvel, David Commeillas, Romain Germa et Nicolas Maslowski Victor Démé enregistre enfin son premier album. Il a alors 46 ans. Sa voix douce et un peu éraillée, ses textes en dioula célébrant la femme, l’amour, la paix et la dignité, séduisent au-delà des frontières. Le titre Djon Maya Maï devient un hymne, et son remix électro par Synapson, quelques années plus tard, propulse encore plus loin son héritage.

‎Victor Démé incarne dès lors une figure rare, celle d’un artiste qui n’a jamais renoncé. Son style, mélange de folk, de blues mandingue et d’influences latines, exprime à la fois ses racines et son ouverture sur le monde. Ses albums Victor Démé (2008), Deli (2010) et Yafaké (2015, posthume) témoignent de cette capacité à transformer les épreuves en poésie.

‎Dix ans après sa disparition, la mémoire de Victor Démé reste vivante. Ses chansons résonnent encore au Burkina Faso et à l’international. Son parcours rappelle aux artistes d’aujourd’hui que le succès n’est pas toujours immédiat, mais qu’il peut être le fruit d’une patience obstinée et d’une foi en sa propre voix.

‎En France, un concert d’hommage est prévu pour célébrer ses dix ans de disparition. Une manière de rappeler que Victor Démé, le tailleur devenu chanteur, n’a pas seulement cousu des habits dans son enfance, il a tissé des œuvres intemporelle qui continue d’habiller les cœurs.

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