Hausse de température au Burkina : « Si aucune action significative n’est entreprise, la température pourrait augmenter de 2 à 4°C d’ici 2050 », Bélélé Jérôme William Bationo
Jérôme William Bationo, spécialiste en changement climatique et développement durable/Ph : CPZ
Depuis quelques années, le Burkina Faso enregistre des températures de plus en plus élevées. Quels sont les véritables facteurs de cette hausse inquiétante ? Quelles conséquences pour nos forêts, nos cours d’eau, nos terres agricoles, notre quotidien ? Et surtout, que faire pour inverser la tendance ? Dans cet entretien avec Filinfos, Bélélé Jérôme William Bationo, spécialiste en changement climatique et développement durable, analyse les causes globales et locales du réchauffement climatique au Burkina Faso.
Filinfos (FI) : Selon vous, quels sont les principaux facteurs qui expliquent la hausse des températures au Burkina Faso ?
Bélélé Jérôme William Bationo (BJWB) : La hausse des températures au Burkina Faso est principalement liée au changement climatique mondial, causé par les émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés. Toutefois, des facteurs locaux aggravent cette situation, notamment la déforestation massive due aux besoins en bois et en énergie, surtout dans les régions sahéliennes où 90 % de la population en dépend, faute d’alternatives. L’agriculture de subsistance, par le défrichage, réduit le couvert végétal et accentue le réchauffement. À cela s’ajoutent l’urbanisation non planifiée, le bitumage, les constructions en béton et la disparition des zones vertes, qui favorisent les îlots de chaleur urbains. Enfin, les pratiques agricoles non durables contribuent également au phénomène. Ainsi, le réchauffement global est amplifié localement par les pressions humaines sur l’environnement.
FI : A-t-elle un lien avec le changement climatique mondial ?
BJWB : Il existe un lien direct entre la hausse des températures et le changement climatique mondial, qui constitue la cause principale du réchauffement. Toutefois, cette situation est aggravée localement par plusieurs facteurs. Parmi eux, la réduction de la couverture forestière entraîne une perte importante de puits de carbone, tandis que la dégradation de la faune et la disparition progressive de la biodiversité affaiblissent les écosystèmes. Dans des zones comme le Burkina Faso, l’évaporation accrue et l’assèchement saisonnier de plus en plus marqué contribuent également à cette dynamique. Ces phénomènes réduisent la présence de végétation, essentielle pour réguler la température, et accentuent ainsi la chaleur ressentie. En somme, si le réchauffement est d’origine mondiale, il est intensifié localement par la pression exercée par l’homme sur l’environnement.
FI : Quels sont les effets de cette hausse de température sur les écosystèmes locaux, comme les forêts, les cours d’eau et la biodiversité ?
BJWB : Avec la hausse des températures, l’évaporation des cours d’eau devient plus importante, ce qui affecte directement les nappes phréatiques. Cette situation entraîne également une évaporation accélérée des sols, une baisse de l’humidité et rend les terres nues plus vulnérables à l’érosion causée par les pluies. Cela favorise la désertification, notamment dans le nord du Burkina Faso, et menace les terres agropastorales, compromettant ainsi la sécurité alimentaire. Par ailleurs, cette chaleur extrême complique la gestion des ressources en eau, non seulement au Burkina Faso, mais dans l’ensemble de la région sahélienne. La disponibilité en eau dans les barrages et les forages pourrait diminuer, augmentant ainsi les risques de conflits entre agriculteurs, éleveurs et même les populations urbaines dont les besoins en eau sont croissants. Face à cette situation, le stress hydrique devient un enjeu majeur de gouvernance pour les années à venir. La canicule et la rareté de l’eau auront un impact significatif et durable sur les populations, tant en milieu rural qu’urbain.
FI : À quoi doit-on s’attendre au Burkina Faso dans les années à venir ?
BJWB : Comme évoqué, la chaleur croissante soulève d’importants enjeux de gouvernance : conflits liés à la raréfaction des ressources, dégradation des sols, baisse de la biodiversité, stress hydrique, et impacts directs sur les populations. À cela s’ajoute la croissance démographique, qui augmente la demande en ressources alors que les terres ne sont pas extensibles. Ce déséquilibre risque de peser lourdement sur les populations, notamment dans les zones sahéliennes. Selon les projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), si aucune action significative n’est entreprise, la température pourrait augmenter de 2 à 4°C d’ici 2050. Ce défi est mondial, et l’inaction de certains grands émetteurs, comme les États-Unis après leur retrait de l’Accord de Paris, complique la situation. Les perspectives climatiques sont donc inquiétantes : saisons pluvieuses plus courtes et intenses, alternance entre inondations et sécheresses, insécurité alimentaire, pénurie d’eau, tensions sociales accrues et migrations climatiques. Ces mouvements de populations pourraient engendrer de nouveaux conflits, aggravant les crises déjà existantes, notamment dans le Sahel.
FI : Quelles sont les actions prioritaires à prendre pour limiter la hausse de température, si j’ai bien compris ?
BJWB : Il est important de souligner qu’il existe des solutions positives, à condition qu’il y ait un réel engagement communautaire. Parmi les actions prioritaires, le reboisement massif à l’échelle locale est essentiel. Les populations doivent être sensibilisées à l’importance de planter et d’entretenir les arbres pour restaurer le couvert végétal. Le soutien aux initiatives comme la Grande Muraille Verte peut aussi jouer un rôle crucial. La promotion de l’agroécologie est également nécessaire, avec des techniques de conservation des eaux et des sols, moins consommatrices d’énergie et d’eau. La gestion de l’eau doit être modernisée grâce à des forages solaires, des barrages collinaires et des retenues d’eau communautaires accompagnées de reboisement. La sensibilisation et l’éducation environnementale, notamment dans les écoles et via les radios communautaires, sont indispensables pour impliquer toutes les couches de la population. Enfin, il est crucial de renforcer et de mettre en œuvre des politiques climatiques adaptées aux réalités nationales et au contexte actuel.
FI : Quel est le rôle de l’éducation et de la sensibilisation dans la lutte contre le changement climatique ?
BJWB : L’éducation et la sensibilisation jouent un rôle fondamental dans la prise de conscience collective face aux enjeux climatiques. Elles permettent de développer dès le jeune âge des comportements écoresponsables et d’encourager une transformation des modes de pensée et des pratiques sociales et économiques. Cela aide les populations à mieux gérer leurs ressources, à adopter des modes de consommation durables et à faire des choix éclairés face aux défis environnementaux. Les médias, notamment les radios communautaires, les associations, et les établissements scolaires ont un rôle clé à jouer pour vulgariser les connaissances climatiques et impliquer toutes les générations dans la recherche de solutions durables.
Cinq conseils pour faire face aux effets du changement climatique :
Planter au moins un arbre par an : Chaque individu devrait planter et entretenir au moins un arbre chaque année pour rafraîchir son environnement.
Préserver les écosystèmes ruraux : Éviter la coupe abusive du bois, les brûlis, et protéger les vivres autour des champs en créant des zones végétalisées.
Réduire l’usage du charbon de bois : Promouvoir des alternatives comme les foyers améliorés ou le biogaz pour limiter la déforestation.
Protéger les sols agricoles : Utiliser le paillage pour conserver l’humidité des sols et améliorer leur fertilité.
Récupérer l’eau de pluie : Mettre en place des mécanismes simples de collecte d’eau pour les potagers et les petits jardins afin d’en optimiser l’usage pendant les périodes sèches.
Carine Pierrette Zongo
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