Viol : « La victime a le droit de demander une prise en charge médicale et psychologique et se faire assister par un avocat » (Me Gaoussou Fofana, avocat)

viol

"En matière pénale, toute personne victime d’une infraction peut porter plainte contre le présumé auteur ou la présumée auteure devant les officiers de police judiciaires qui reçoivent les plaintes et dénonciations", a indiqué Me Gaoussou Fofana, avocat

Partager sur:

Victime d’une agression sexuelle, quelles démarches juridiques entreprendre pour faire valoir ses droits ? Du dépôt de plainte à la réparation du préjudice, en passant par les preuves nécessaires et le déroulement du procès, Me Gaoussou Fofana, avocat, décrypte les étapes clés pour les victimes de viol. Dans cet entretien avec Filinfos, il revient également sur les délais de prescription, les peines encourues par l’agresseur, et l’accompagnement disponible pour la victime.

Filinfos (FI) : Quelle est la procédure à suivre pour porter plainte (dépôt de plainte, plainte avec constitution de partie civile, etc… ?

Me Gaoussou Fofana (GF) : En matière pénale, toute personne victime d’une infraction peut porter plainte contre le présumé auteur ou la présumée auteure devant les officiers de police judiciaires qui reçoivent les plaintes et dénonciations. La police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs tant qu’une information n’est pas ouverte. (Voir les articles 241-3 et 241-6 du Code de procédure pénale). Ainsi, la victime peut se rendre dans une brigade de gendarmerie ou un commissariat de police pour déposer sa plainte. Elle peut également saisir directement le procureur du Faso compétent de sa plainte. La plainte avec constitution de partie civile est adressée au juge d’instruction du Tribunal de Grande Instance compétent.

(FI) : Quels sont les délais légaux pour agir (prescription) dans un cas de viol ?

(GF) : En matière pénale, il existe des délais légaux pour exercer les poursuites contre les présumés auteurs des infractions sous peine de prescription de l’action publique. En matière de crime, le délai de prescription est de dix (10) années à compter du jour où le crime a été commis. Le délit est soumis à la prescription triennale et la contravention à la prescription annale (voir les articles 220-2 à 220-4 du Code pénal).

L’action publique en matière de viol qui est une infraction délictuelle, est de trois (03) années à compter de sa commission.

(FI) : Comment se déroule l’enquête (police/juge d’instruction) et quels sont les droits de la victime ?

(GF) : Les poursuites de l’infraction de viol débutent par l’enquête préliminaire diligentée par la police ou la gendarmerie. Après la réception de la plainte de la victime ou sur dénonciation d’une autre personne, les officiers de police judicaire ordonneront une prise en charge médical, notamment la production d’un certificat médical avec le constat du médecin aux fins de droit. Les résultats de cette expertise médicale seront suivis de l’interrogatoire (audition) de la personne soupçonnée, des témoins s’il existe et la confrontation éventuelle entre les parties concernées. A l’issu des interrogatoires, la police judiciaire peut mettre en garde à vue, la personne mise en cause s’il existe des indices graves et concordantes contre elle. Après l’enquête préliminaire, le dossier sera transmis au Procureur du Faso compétent aux fins de droit. Si la victime a saisi le juge d’instruction, ce dernier accomplira les mêmes actes.

La victime a le droit de demander une prise en charge médicale et psychologique et se faire assister par un avocat.

(FI) : Quelles preuves sont essentielles pour étayer l’accusation (témoignages, certificats médicaux, preuves électroniques etc..) ?

(GF) : En matière de l’infraction de viol, l’existence de preuves matérielles constitue le goulot d’étranglement, car en général, il s’agit de la parole de la victime contre celle du présumé violeur. En dépit de ces difficultés, les enquêteurs et les juges se réfèrent essentiellement aux certificats médicaux, aux témoignages, aux auditions, aux messages, à l’expertise psychologique et à l’ADN. La charge de la preuve incombe à l’accusation (la victime, la police/la gendarmerie et le procureur) ou le juge d’instruction car le prévenu ou l’accusé bénéficie de la présomption d’innocence.

(FI) : Quels sont éléments juridiques à prouver pour que la qualification de « viol » soit retenue (violence, contrainte, surprise) ?

(GF) : L’article 533-10 du Code pénal dispose que : « Tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature que ce soit commise sur la personne d’autrui par violence, contrainte menace ou surprise constitue un viol. Le viol est puni d’un emprisonnement de sept ans à dix ans et d’une amende de six cent mille (600 000) à deux millions (2 000 000) F CFA ».

Comme toute infraction, la caractérisation de l’infraction de viol requiert la réunion de trois (03) éléments cumulatifs. Il s’agit de l’élément légal, l’élément matériel et l’élément moral.

-L’élément légal consiste en l’existence d’une loi qui prévoit et punit le viol. (Article 533-10 de la loi n°025-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal).

-L’élément matériel suppose la pénétration sexuelle, (Vaginale, anale et buccale), l’absence du consentement de la victime, la violence physique, la contrainte (exercice d’une pression psychologique), la menace et la surprise (abus de vulnérabilité, le sommeil ou la ruse).

-L’élément moral ou psychologique ou l’intention coupable se caractérise par l’intention de commettre l’acte de pénétration sexuelle sans le consentement de la victime.
6-La victime peut-elle préparer au mieux son témoignage devant les juges ?

En principe, la victime a déjà fait sa déposition dans sa plainte en plus de la confrontation avec le présumé violeur en enquête préliminaire. Cependant, elle peut mieux étayer sa version des faits pendant l’instruction à la barre en restant cohérent (la déclaration faite devant les juges doit être conforme à celle effectuée devant les enquêteurs).

(FI) : Quels sont les risques encourus par l’accusé (le prévenu) et les peines encourues ?

(GF) : Le prévenu jugé et reconnu coupable des faits de viol risques des condamnations à peines d’emprisonnement et pécuniaires. Il encourt sept ans à dix ans de prison et une amende de six cent mille (600 000) à deux millions (2 000 000) F CFA. Le tribunal peut lui infliger une peine mixte (emprisonnement et sursis).

(FI) : Comment gérer les éventuelles contre-attaque ou accusations de la défense adverse ?

(GF) : Lors des débats, la victime doit faire preuve de retenue, de sang-froid et de tact. Elle doit rester constante, cohérente et focalisée sur les faits probatoires car elle supporte avec la charge de la preuve.

(FI) : La victime peut-elle obtenir réparation (dommages et intérêts) via une constitution de partie civile ?

(GF) : La victime peut obtenir réparation, mais elle doit se constituer partie civile avant les réquisitions du Ministère Public pour réclamer des dommages intérêts justifiés (en argent) en cas de culpabilité du prévenu. Le tribunal déclarera irrecevable sa constitution de partie civile en cas de relaxe du prévenu.

(FI) : Quelles sont les associations ou structures qui peuvent accompagner la victime ?

(GF) : La victime peut bénéficier de l’aide de l’association des femmes juristes du Burkina, l’ONG voix de femmes, du CIFDHA (Centre d’information et de formation en matière de droits humains, de la ligue d’Assistance aux personnes victimes de VBG (Violences Basées sur le Genre), du MBDHP (Mouvement Burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples) et de toute autre association de défense des droits des femmes nationales ou sous régionales ou internationales etc…

(FI) : La victime peut-elle bénéficier d’une protection (ordonnance de protection, anonymat pendant la procédure) ?

(GF) : Les autorités compétentes peuvent accorder une protection à la victime en fonction de son état de vulnérabilité et des menaces du présumé violeur ou de toute autre personne. Le juge ou le procureur peut ordonner aux agents enquêteurs de veiller à sa sécurité. La victime ne peut garder l’anonymat durant la procédure car elle doit être identifiée. Cependant, le Tribunal peut décider de tenir l’audience à huis clos (en l’absence du public) pour préserver l’intimité de la victime.

(FI) : Un certificat médical est-il nécessaire et comment le faire valoir légalement ?

(GF) : Le certificat médical est nécessaire et joue un rôle important dans les affaires de viol car elle constitue un moyen d’administration de la preuve. Il est légalement dressé par un médecin. Relativement à sa valeur juridique, il est susceptible de la victime corroborer les déclarations, peut appuyer la crédibilité des faits (s’il est établi rapidement après les faits). Toutefois, il ne peut prouver à lui seul l’absence de consentement.

(FI) : Comment faire reconnaître le préjudice psychologique subi par la victime (expertise médicale, dossier médico-légal) ?

(GF) : L’expertise médicolégale ou psychologique permet de déterminer le préjudice moral de la victime résultant des lésions psychiques constatées et de son état psychologique.

(FI) : Comment se passe une audience correctionnelle/Cour d’assises (selon la qualification) ?

(GF) : Dans notre organisation judiciaire, les Chambres correctionnelles des Tribunaux de Grande Instance tiennent les audiences correctionnelles et les Chambres criminelles des Cours d’Appel assurent les sessions criminelles.

Après l’ouverture de l’audience, le président déclare requiert le consentement du prévenu ou de l’accusé à être jugé. Si ce dernier consent, le président déclinera son identité et donnera lecture des chefs de prévention ou d’accusation à lui reprochés suivie de son interrogatoire. A la suite du Tribunal, le procureur et l’avocat de la victime interrogeront le prévenu ou l’accusé. L’interrogatoire de la victime, des témoins (ces derniers n’assistent pas à l’audition du prévenu ou de l’accusé), des médecins et experts clôtureront les débats. Après la constitution de partie civile de la victime, le procureur prendra ses réquisitions pour permettre au Tribunal ou la Cour de mettre le dossier en délibéré.

(FI) : La victime doit-elle être présente à toutes les audiences ?

(GF) : En principe, la comparution de la victime est nécessaire pour la préservation de ses intérêts. En cas d’empêchements légitimes et excusables, il peut se faire représenter par son avocat si elle en dispose ou donner procuration à un proche.

(FI) : Quel rôle joue l’avocat général et l’avocat de la victime pendant le procès ?

(GF) : L’avocat général est un magistrat du parquet général de la Cour d’Appel qui représente le Ministère public lors des audiences de la Chambre criminelle. Son rôle est de défendre l’intérêt général de la société et de requérir l’application de la loi. Le procureur du Faso joue le même rôle devant le Tribunal. Il peut requérir la culpabilité de l’accusé s’il estime l’existence des charges suffisantes contre lui ou son acquittement en cas d’insuffisances de charges. S’il s’agit d’un prévenu jugé par un Tribunal, l’on emploie le terme relaxe en lieu et place de l’acquittement.

The following two tabs change content below.

Moussa SAREBA

Partager sur: